Petit-Déjeuner Design #18 Formel studo
Nicolas Mérigout et Timothée Concaret, fondateurs de Formel studio, viendront nous parler de leur pratique à la croisée du design et de l’artisanat, de leur méthode, de la complémentarité entre leurs profils et de leur rapport au monde industriel. Dans un répertoire formel singulier et sobre, le studio veut incarner leur démarche de conception et de production raisonné et locale, plaçant l’économie de matière au coeur de leur recherche. Ils aborderont aussi les problématiques qui se posent dans le parcours d’un jeune studio dans la sphère de l’édition et du design français. Venez pour vous inspirer et discuter ensemble de cette démarche de design.i
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Exposition Hors Piste, les futurs du voyage
Du 8 au 16 septembre 2022
Dans le cadre de France Design Week, Possible Future présente son exposition « Hors Piste, futurs du voyage ».
Entre design et prospective, les nouveaux usages du voyage se pensent et se racontent au travers de quatre scénarios qui vous plongeront en 2050.
Pour répondre aux enjeux de demain et penser un futur plus souhaitable, Possible Future met ses méthodes d’innovation au service d’une réflexion sur le voyage de demain et la mesure d’impact de nos choix, au travers de l’exposition Hors Piste.
Le voyage fait rêver, appelle aux sens, à la découverte, aux sensations et expériences nouvelles. Mais dans le contexte écologique inquiétant auquel nous sommes confrontés, les usages et visions du voyage sont remis en question. Nous nous interrogerons sur les espaces, les produits, les expériences, les nouveaux usages et les évolutions sociétales qui y sont attachés, au travers d’une série d’expériences immersives et inattendues.
Escape game, voyage intérieur méditatif, parcours de « cueillonomie », souvenirs photographiques évolutifs et sensoriels … Des expériences uniques, tantôt utopiques, tantôt dystopiques, qui sans chercher à proposer une version prédictive du futur, proposeront au visiteur de s’interroger sur sa propre vision du voyage, et de toutes les expériences qui y sont rattachées.
Du 8 au 16 septembre 2022 au 31 rue Yves Toudic 75010 Paris
Venir en métro : Jacques Bonsergent (ligne 5), République (ligne 3, 5, 8, 9 & 11)
Venir en bus : Lignes 56 et 91 (arrêt Jacques Bonsergent)
Petit-Déjeuner Design #16 Katie Cotellon
Petit-Déjeuner Design #15 Clément Porée
Petit-Déjeuner Design #14 Arnauld Blanck
Petit-Déjeuner Design #13 Ionna Vautrin
Petits-Déjeuners design #12 Virgile Leclercq et Florian Guillanton (Ctrl S)
CtrlS est une agence de design et d’innovation spécialisée dans le numérique responsable. Romane Clément, Florian Guillanton, Valentin Leblanc et Virgile Leclerc se sont rencontrés à SciencePo durant leur master en Innovation et Transformation Numérique. Quatre profils hybrides et complémentaires liant sensibilités technique, humaine et business au service de pratiques de design plus respectueuses des humains et des communautés, de la stabilité sociale et des limites planétaires.
C’est en souhaitant sensibiliser à l’impact numérique que leurs travaux commencent en 2019. Si envoyer un mail ou utiliser un moteur de recherche sont devenus des gestes du quotidien, ces actes en apparence anodins consomment en réalité des quantités impressionnantes d’énergie. Visionner 30 minutes sur Netflix ? C’est l’équivalent de 1,6kg de C02. Un paiement en Bitcoin ? 90km en Smart électrique.
Et avec l’avènement et la multiplication des objets connectés, cet impact du numérique sur l’environnement n’est pas prêt de s’essouffler. Ces objets, comme les smartphones, sont d’ailleurs particulièrement gourmands en métaux rares… Dont l’extraction représente déjà 80% des impacts environnementaux du numérique. Si aujourd’hui tout est numérique, le Numérique Responsable n’est tout autre que l’innovation responsable au sens large !
Si la conception de produits numériques touche à d’autres échelles des enjeux environnementaux que nous connaissons déjà : la consommation de ressources abiotiques, la consommation de l’eau ou la préservation de la biodiversité, elle a créé de nouveaux défis notamment sociaux comme le respect des expériences utilisateur et la préservation de l’attention cognitive sur lesquels il est primordial de limiter l’impact.
Ce qui est valable dans les autres secteurs d’activité l’est aussi pour le numérique, malgré la sémantique très éthérée (cloud, sans-fil, dématérialisation, virtuel…) qui y est associée. Peu importe le type de projet et son objectif, produire revient à polluer. Il s’agit donc pour les équipes de conception de faire attention à deux choses : l’objectif d’un projet qui implique la production d’artefacts ou l’utilisation d’artefacts existants, et comment ce ou ces artefacts sont conçus et utilisés pour parvenir à cet objectif (les moyens sont aussi importants que la fin).
Dans leurs travaux, l’équipe de CtrlS s’attache à mettre un point d’honneur sur deux critères encore beaucoup trop dans l’angle mort des concepteurs : les externalités négatives et les effets rebonds associés au projet et induits par celui-ci. Il faut sortir des méthodologies « design thinking » et « user centric » et s’imposer de trouver le bon positionnement entre limites planétaires et minimas sociaux pour chaque projet.
Une de leurs missions a été d’accompagner EPSON dans l’exploitation des potentiels de valeur du recyclage du papier au niveau local pour leurs entreprises partenaires tout en intégrant une approche de développement durable.
Après de longues recherches sur les opportunités de recyclage dans différents secteurs de l’industrie traduites en data visualisations didactiques, ils ont proposé une série de scénarios soumis à une matrice multi critères.
Une matrice multicritère impose un certain nombre d’indicateurs définis avec le client pour voir quels sont les grands sujets sur lesquels il ne peut pas transiger lors d’un projet. Cela peut être des critères environnementaux comme la production de déchets ou des critères plus sociaux comme la création d’emploi.
Les scénarios seront alors l’illustration du champ d’innovation qui s’offre à eux en fonction des curseurs placés sur ces critères. Entre le scénario le moins souhaitable et un scénario utopique, un grand nombre de possibilités s’offrent au client. En parallèle de ce travail, l’analyse du cycle de vie de la machine permet d’observer dans quel scénario les coûts environnementaux de la production de la machine peuvent être amortis par le rendement lors de son usage et ainsi accompagner à la prise de décision.
L’objectif de CtrlS est de faire prendre conscience aux entreprises qui souhaitent se lancer dans une transition écologique des effets négatifs des technologies numériques en remettant en cause le lourd bagage d’imaginaires du « green digital » et de la « green tech ».
Ainsi dans leur solution finale, l’équipe de CtrlS à proposé le papier comme une alternative au numérique. Une alternative papier est parfois énergétiquement et environnementalement plus bénéfique qu’une solution numérique. Il est alors important de maîtriser son mix numérique. Grâce à des études (malheureusement pas assez nombreuses) une recommandation fine des usages peut-être proposée. Lorsque la lecture d’un mail est préférable sur ordinateur, il est plus responsable d’imprimer une présentation de plus de 20 pages qui aurait pour but d’être partagé à un grand nombre de collaborateurs. Un marché s’ouvre alors pour EPSON afin de contrer les stratégies « tout numérique » de certaines entreprises qui souhaiteraient limiter leur impact et de proposer la réappropriation de sa balance entre print et numérique.
Évènement Food Futures : l’alimentation de demain
Du 16 au 23 septembre 2021
Dans le cadre de la France Design Week 2021, Possible Future présente son évènement « Food Futures » autour d’une exposition et de deux conférences. Pour répondre aux enjeux de demain et penser un futur plus souhaitable et durable, Possible Future met ses méthodes d’innovation au service d’une réflexion sur l’alimentation de demain et la mesure d’impact de celle-ci.
Du 16 au 23 septembre 2021 – 15/17 rue Bouchardon 75010 Paris
L’exposition met en avant un travail prospectif utilisant la méthode du Design Fiction comme un outil critique pour révéler les angles morts, points de dissonance, tensions mais aussi les opportunités dans l’évolution de différentes tendances alimentaires contemporaines face aux enjeux de durabilité. Vous pourrez ainsi découvrir 4 scénarios autour du lien entre alimentation, beauté et gaspillage, de l’importance de l’alimentation dans une relation avec son animal (de l’agilité de l’industrie agroalimentaire à s’adapter aux mœurs émergents) et de l’utilisation de déshydratation en temps de crise climatique. De ces scénarios sont nés 4 objets témoins prêts à ouvrir le débat.
Prototyper l’aliment — Conférence d’une heure sous l’angle du prototypage alimentaire
16 septembre de 9h30 à 10h30, en ligne
Le design tient une place fondamentale dans la conception de l’aliment, en l’inscrivant dans un moment de consommation, en lui donnant forme, en définissant son rituel de dégustation. À l’instar de la conception de produit, les étapes de maquette et de prototypage alimentaire sont essentielles pour valider ses caractéristiques.
Quelles sont les techniques mise en place pour prototyper un aliment ? Comment tester l’appétence d’un produit avant de le formaliser ? Comment traduire un rituel de consommation en innovation produit ?
Intervenants :
Qu’est ce qu’on mange dans le futur ? — Conférence d’une heure sous l’angle de la prospective alimentaire
23 septembre de 9h30 à 10h30 – en ligne
Plutôt lait de synthèse ou steak d’insecte ? L’innovation alimentaire nous laisse percevoir une multitude de futurs, qu’ils soient souhaitables ou non. Le design tient ici un rôle clé dans la formalisation de ces futurs, pour leur donner de la consistance et proposer une forme d’habitabilité. Plutôt que de présenter une vision du futur de l’alimentation, nous allons réfléchir ici aux moyens à mettre en œuvre pour esquisser ces futurs possibles.
Comment s’incarne le design prospectif ? De quelles compétences doit-il s’entourer ? Quelles formes proposer pour parler du futur de l’alimentation ?
Intervenant :
L’accès à Food Futures nécessite un pass sanitaire :
Port du masque obligatoire pendant la visite.
Exposition et conférences au 15 rue Bouchardon 75010 Paris
Venir en métro : Strasbourg – Saint Denis (ligne 4, 8 & 9), Jacques Bonsergent (ligne 5), République (ligne 3, 5, 8, 9 & 11)
Venir en bus : Lignes 32, 38 & 39 (arrêt Château d’Eau)
Design Breakfast Club #11 Devraj Joshi
Dev is a designer and technology strategist. He studied Product Design Engineering at Brunel in London and went on to work for BBC, Siemens and Orrb before joining Random International. Random International is an award-winning collaborative studio for experimental practice within contemporary art. Their work explores the intersection between technology, arts and nature and some of their installations have been exhibited at museum such as Barbican, MoMa and LACMA. During his time at Random, Dev worked as a Creative Technologist and Head of Technology before taking the role of Associate Director. As Director, he lead the design, implementation & installation of the art pieces while developing the strategic direction for the design and technology groups within the studio. After over 10 years at the studio, Dev has taken an independent route working as a consultant while continuing to teach as a visiting lecturer for the Innovation Design Engineering Masters program at the Royal College of Art and Imperial College London.
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Petits-Déjeuners Design #9 Éric Delalande
Éric fait partie des rares designer-entrepreneur. En 2014, il a co-fondé The Keepers avec François Jaubert-Soury et Thomas Deville en parallèle à sa troisième année à Strate. De sa méthodologie en design à ses apprentissages dans la création de produits hardware, retour sur son aventure de designer-entrepreneur.
L’internalisation à l’épreuve du terrain
The Keepers est une entreprise de service qui améliore l’accueil et le confort des établissements recevant du public comme les centres commerciaux, les cinémas, les stades, les bureaux ou encore les salles de concerts. L’équipe de douze salariés conçoit des services connectés comme la consigne à casques, le distributeur de gel hydroalcoolique, le chargeur de téléphones ou encore le vestiaire automatique.
En sept ans, l’entreprise a connu une forte croissance : plus de 450 Keepers – les machines – sont sur le terrain en France, Espagne, Italie, Belgique et au Luxembourg.
Chez The Keepers, le développement produit n’est que la première étape d’un long processus. Avec un positionnement serviciel, l’entreprise gère tout de l’installation, jusqu’à l’envoi des reportings mensuels aux clients ou encore le SAV téléphonique et le dépannage.
Tout est internalisé, du design des produits jusqu’à la gestion des appels SAV. Cette internalisation permet de garder un œil sur le terrain et d’avoir de précieux feedbacks pour continuellement améliorer les produits. Toutes les solutions The Keepers sont gratuites pour les utilisateurs. C’est en effet le lieu d’implantation qui vient offrir le service à ses visiteurs.
Le premier service développé est le Keeper Jet, la consigne à casques. Simple d’utilisation, il permet aux motards de déposer leur casque encombrant. Ce service a été développé en version XXL, le Keeper Modular, que l’on retrouve dans les stades et salles de concerts.
Le Keeper Dressing, un vestiaire automatique connecté installé dans les centres commerciaux et les cinémas.
Le Keeper Flash, est un système de recharge pour téléphone qui est né suite à une demande de leurs clients. C’est le premier marché concurrentiel auquel ils se sont attaqués. Leur solution tend à être itérée mais c’est pour l’instant une vraie réussite.
4 jours pour un partenariat, 45 jours pour un nouveau service
La Rainbow Station est à date le dernier service créé par l’équipe The Keepers. Ce distributeur de gel hydroalcoolique parfumé a été conçu en seulement 45 jours après le premier confinement.
The Keepers a relevé un sacré défi : développer un distributeur de gel hydroalcoolique dans un marché devenu ultra concurrentiel.
La perspective de proposer une solution simple et accueillante avec du gel de qualité de chez Merci Handy a motivé le projet jusqu’à son aboutissement. Ce partenariat a été une évidence, les deux entreprises avaient une envie commune : sortir un produit plein d’optimiste, qui fasse sourire les utilisateurs et soit à contre pied de ce qui existait déjà sur le marché. Une fois engagées, les deux équipes ont dû être très réactive pour approvisionner rapidement leur clients.
Consommable, normes complexes, défis techniques…l’équipe de The Keepers a fait face à de nombreuses barrières dans ce nouveau projet. La distribution automatique étant complètement inconnue pour The Keepers jusqu’alors.
Dans leur atelier à Clichy, ils ont réalisé le premier prototype en utilisant des pièces de leurs autres services. Cette ’industrialisation “maison” leur a permis de diminuer les coûts et surtout le risque pour entrer sur ce marché concurrentiel.
Côté design, il fallait un prototype qui donne envie et mette en avant la qualité du gel Merci Handy. Une fois sur le terrain, le distributeur a rapidement séduit les clients. Les premiers tests ont eu lieu au Passage du Havre à Paris et au CNIT à La Défense. La mise en place sur le terrain leur a permis de faire de nombreuses observations, d’itérer et de perfectionner l’intérieur. Ils se sont rendu compte qu’il fallait par exemple bien écarter le gel de l’électronique, rendre le service plus sûr ou encore mettre des moteurs plus puissants.
Subjectivité vs rationalité – Perfection vs productivité
Cette rapidité et cette efficacité pour sortir la Rainbow Station, l’équipe de The Keepers les doivent à leur méthodologie cyclique et itérative :
Éric et ses associés se sont toujours questionnés pour trouver le meilleur moyen de proposer des solutions innovantes tout en prenant le moins de risque possible : plus vite un prototype est sur le terrain, plus vite on peut identifier les problèmes, les retours du marché et itérer. La rapidité d’exécution est la clé pour minimiser les coûts et le risque. Plus un projet avance, plus les décisions prises devront être rationnelles et alimentées par une analyse.
Chez The Keepers, la productivité prend le pas sur la perfection. Les itérations viendront avec les premiers retours du terrain.
Éric a dû déconstruire le réflexe qu’ont certains designers de vouloir atteindre la perfection avant de sortir un projet : le design de la Rainbow Station a été réalisé en 6h. Il a pris confiance en lui et en sa légitimité en tant qu’entrepreneur en faisant autre chose que du design. Chez The Keepers, en plus du design, il s’occupe du marketing, de la communication et du branding
Cette polyvalence et cette envie d’entreprendre est fondamentale chez The Keepers. Aujourd’hui, tous les employés peuvent porter un projet innovant. Pour Éric, tout le monde doit être impliqué dans la création et il faut faire confiance aux intuitions des uns et des autres.
Et la suite ?
Aujourd’hui, l’équipe de The Keepers se questionne sur l’impact qu’elle veut avoir.
En tant que designer, Éric veut essayer de développer des solutions qui auront un impact sociétal qui refléteront parfaitement l’esprit de The Keepers.
Petits-Déjeuners Design #8 Alexandre d’Orsetti
Alexandre d’Orsetti est designer industriel et directeur du pôle design chez Sculpteo, une entreprise spécialisée dans l’impression 3D. Passionné par les matériaux et les procédés, c’est au cours de différents projets qu’Alexandre a découvert toutes les possibilités de création et de fabrication qu’offre l’impression 3D, aussi appelée fabrication additive.
Le bon matériau pour le bon usage
Pendant ses études à l’ENSCI, Alexandre a travaillé avec Antoine Giret à la conception d’une voiture en fibre de verre pour Karenjy, un constructeur automobile malgache. Avec Antoine Giret, ils ont redessiné un modèle et prototypé construit un véhicule tout terrain, adapté aux routes malgaches. Sur place, pas de machines, les prototypes étaient en bois ou en carton. Produite en petite série, la Mazana 2 est aujourd’hui utilisée par des entreprises, des assocations ou encore par l’état.
C’est en travaillant sur un projet de lampe créé lors d’un atelier fablab à l’ENSCI, qu’Alexandre a rencontré l’équipe de Sculpteo, qu’il a contacté pour l’impression de quelques pièces. À la suite de cette rencontre, Alexandre rejoint l’équipe de Sculpteo qui recherche un designer pour aider certains clients à dessiner des pièces.
Au départ, il dessine des objets de marketing. Avec Piotr Widelka, il a conçu un vélo avec des pièces imprimées en 3D par Sculpteo. Destiné à être présenté au CES (Consumer Electronics Show) en 2017, ce vélo a permis de montrer que l’impression 3D ne sert pas qu’à faire du prototypage, mais que l’on peut aussi créer des pièces mécaniques solides.
Le vélo a fait office de catalogue roulant et a permis d’exposer de nombreuses pièces comme différents nylons, des pièces en métal ou encore des résines. Pour tester le vélo et la résistance des matériaux choisis, Alexandre et Piotr font un roadtrip de Las-Vegas à San Francisco où se trouve un bureau de Sculpteo. Sur la route, ils font un photo reportage, testent le projet et la résistance des matériaux en conditions réelles.
Sculpteo & Sculpteo Studio
Grâce à son site internet, et notamment les algorithmes de répartition et de nesting, Sculpteo a participé à rendre accessible des technologies industrielles d’impression 3D. Tout le monde peut commander une pièce sur le site. En interne, les pièces sont vérifiées puis agencées au mieux dans les bacs de production. Sculpteo communique ensuite un prix et un délai de production.
Au début, les premières demandes viennent de particuliers qui souhaitent faire des figurines ou encore des petits objets comme des coques de téléphone, ou encore des maquettes. Petit à petit, les demandes de production en série sont devenues de plus en plus importantes et l’entreprise a évolué pour pouvoir satisfaire ces demandes plus industrielles, tout en continuant à permettre à tout un chacun de commander sur la plateforme.
Sculpteo Studio a été créé pour accompagner les clients dans la compréhension et l’exploration du potentiel des procédés additifs, ainsi que dans la conception des pièces. Le design pour la fabrication additive implique une certaine logique de conception ainsi que la maîtrise d’outils numériques spécifiques. C’est une manière de penser les pièces et des outils de conception à connaître et à maîtriser. La logique de conception des pièces tire notamment son inspiration du caractère additif des procédés, qui s’apparente à certains égards au vivant, dans la façon dont la matière est construite progressivement, et permet d’envisager la fusion de différentes fonctions, comme les réseaux et les structures, à l’instar des nervures de certains végétaux.
Selon les projets, ils travaillent comme un bureau d’étude ou agence. Avec le studio, ils développent des structures légères et des mécanismes innovants. Ils produisent aussi beaucoup de boîtiers électroniques et de pièces uniques. Le studio fait aussi des formations et accompagne les entreprises pour leur montrer le potentiel de l’impression 3D. En parallèle, ils explorent le potentiel formel et technique offert par ces technologies, tel que les structures lattices par exemple.
En 2019, Sculpteo est racheté par Forward AM, une filiale du groupe de chimie BASF qui formule et produit notamment de nombreux polymères techniques. Au sein de BASF, Forward AM est spécialisée dans les matériaux d’impression 3D. Alexandre et son équipe travaillent en étroite collaboration avec les équipes de Forward AM qui produisent de nouvelles matières d’impression 3D et font de la R&D dans ce domaine. Grâce à cette collaboration, Alexandre a une vue d’ensemble, de la formulation de nouveaux matériaux dédiés à des domaines spécifiques (automobile, médical par exemple) jusqu’à la production des pièces.
Lit de poudre, résine et dépôt de fil
Il est difficile de résumer l’impression 3D car il y a une multitude de technologies, mais on peut distinguer trois grandes familles qui regroupent la plupart des technologies : lit de poudre, résine, dépôt de fil. Toutes ces technologies ont un point commun. On part d’un fichier 3D que l’on découpe numériquement en tranches qui sont ensuite imprimées l’une après l’autre. Penser les pièces par cette superposition de “couches” est le dénominateur commun.
D’après Alexandre, la fabrication additive a deux grands atouts. Premièrement, la liberté formelle qui ne demande aucun outillage à part la machine et qui permet de faire des pièces complexes et de faire varier la matière au sein de l’objet. Le second atout est la fabrication à la demande qui permet de développer des pièces en peu de temps, de produire des pièces détachées et de ne pas stocker. Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises digitalisent leur stock et commandent au fur et à mesure de leurs besoins.
La fabrication additive comporte tout de même quelques contraintes. Par exemple, pour les technologies avec de la poudre, il faut dépoudrer l’intérieur des pièces. Il y a aussi des problématiques d’état de surface. Les effets de couches et de strates sont souvent visibles après l’impression.
De la pièce industrielle à l’objet du quotidien
Alexandre travaille avec des clients qui ont des contraintes mécaniques et financières et il aime pouvoir apporter une réponse à ces problématiques grâce à l’impression 3D. Il souhaite développer la recherche dans la fabrication additive. C’est un outil qui peut permettre à des projets d’exister et il existe plein de champs dans lesquels on pourrait utiliser l’impression 3D, pour des objets du quotidien par exemple. Si les projets des clients sont aujourd’hui majoritairement des pièces industrielles, il cherche à développer davantage les applications et le potentiel de cette famille de technologie sur des objets courants.
Petits-Déjeuners Design #7 Natacha Poutoux et Sacha Hourcade
Natacha Poutoux et Sacha Hourcade ont co-fondé le studio de design et de recherche natacha. sacha.
Il veulent créer des produits plus durables et réintroduire des savoir-faire manufacturiers dans l’industrie de production de masse.
1 studio, 2 approches
Natacha et Sacha se sont rencontrés sur les bancs de l’ENSCI dont ils sont diplômés en design industriel. Avant de créer leur studio, ils ont tous les deux travaillé avec de grands noms du design contemporain. Sacha a travaillé avec India Madhavi et Natacha avec les frères Bouroullec et chez Possible Future. Même si on les a dissuadés de se lancer, en 2019, ils co-fondent natacha.sacha. leur propre studio. Comme tout projet entrepreneurial, créer un studio de design n’est pas un long fleuve tranquille. Par exemple, au début il est compliqué de communiquer sur des projets qui sont sous embargo pendant plusieurs années. Se rémunérer et trouver des financements n’est pas chose aisée non plus. Certains industriels ne prévoient même pas de rémunérer le travail des designers. Mais ça n’a pas découragé le duo qui grâce à sa complémentarité avance et tente de développer des projets avec deux approches
D’un côté, ils développent des projets autour d’axes de recherche définis qu’ils choisissent et d’un autre côté, ils proposent leurs services en tant que bureau de création pour accompagner des grands groupes ou encore des PME dans un processus créatif et sur des enjeux de RSE. Natacha et Sacha souhaitent développer des projets qui seront industrialisés à grande échelle et continuer à créer en réinventant les usages des produits de demain.
C’est grâce à leur incubation aux Ateliers de Paris qu’ils ont pu se lancer à plein temps et réellement développer leur studio. Le duo a pu disposer d’un lieu, de formations et surtout échanger, partager avec d’autres disciplines issues des métiers d’art ou du monde de la mode. De nombreuses opportunités se sont présentées à eux grâce à cette incubation. Ils ont été missionnés par la mairie de Tokyo pour repenser des produits fabriqués par d’anciennes entreprises japonaises pour séduire une clientèle plus occidentale. Ils ont notamment créé un rouge à lèvres à base de fleurs de Béni traditionnellement utilisé par les geishas. Pendant ce projet, ils ont découvert quelques spécificités japonaises, notamment les échelles qui ne sont pas évaluées de la même manière.
Rug, Briques et Olaf
Ce sont les noms de trois objets autour du chauffage que Natacha et Sacha ont développés.
Préoccupés par la problématique du réchauffement climatique, ils cherchent à créer des solutions pour chauffer de grands espaces en économisant de l’énergie.
Dans le cadre du concours Vitrine pour un designer qu’ils ont remporté, le duo a créé un tapis chauffant. Ils sont partis d’une technique utilisée dans l’industrie automobile pour les sièges chauffants. La production du tapis est plus rapide qu’un tapis brodé à la main puisqu’il suffit de deux heures pour qu’un tapis soit prêt.
Avec Briques, un radiateur en brique réfractaire, ils ont cherché à amener des zones de chaleur dans les espaces de travail, au plus proche des gens. Les briques suspendues sur des rails ne servent plus seulement à chauffer, elles servent à délimiter des espaces.
Olaf est un coussin chauffant créé pour les terrasses de café. La mousse utilisée ne vient pas de la pétrochimie, c’est une mousse en crin de cheval qui se dégrade lentement et ne nécessite pas une grosse production. Ce coussin a été pensé pour remplacer les calorifères désormais interdits et grâce à un système de batterie, Olaf consomme peu d’énergie.
La technique domestiquée
Natacha et Sacha ont aussi prototypé de nombreux objets manifestes qui ne seront pas tous forcément commercialisés pour tester, développer de nouvelles techniques et rendre visible et lisible leur démarche de création.
Ils ont créé Metis 02, un humidificateur d’air en verre et Metis 03, une bouilloire électrique en porcelaine vitrifiée. Natacha et Sacha démontent des objets déjà existants et analysent leur construction.
Metis 02 est fonctionnel et peut même avoir une seconde vie. La partie technique étant séparée du réceptacle, si l’humidificateur venait à se casser, il pourrait servir de vase.
Natacha et Sacha ont souvent recours à des techniques qui peuvent être réintégrées dans des projets plus grands.
Metis 03 est en porcelaine vitrifiée et peut-être utilisée comme simple carafe. Lavable au lave-vaiselle, elle fonctionne comme une plaque à induction, ce qui permet de faire des économies d’énergie.
Et la suite ?
Natacha et Sacha viennent d’installer leurs bureaux dans Les Mercuriales à Bagnolet. Ils projettent d’embaucher quelqu’un pour amener un vent de fraîcheur, un nouveau regard et surtout aller plus loin. Le duo veut continuer à collaborer avec d’autres disciplines pour explorer de nouveaux domaines de recherche.
Petits Déjeuners Design #6 Alexandre Echasseriau
Alexandre Echasseriau a fondé Crafter Studio en 2016. Designer et touche à tout, ses projets mêlent savoir-faire, matériaux nobles et nouvelles technologies.
Dès l’enfance, Alexandre a développé un instinct de bricoleur et une passion pour la construction de cabanes. De Toulouse où il est né au Japon où il a grandi jusqu’à l’âge de 4 ans, il a pour habitude de se promener avec un petit marteau vert. En grandissant, Alexandre a investi une nouvelle aire de jeu : les décharges de Toulouse. Il y trouvait des objets qu’il assemblait.
Pour pratiquer sa passion du bricolage dans un environnement un peu plus encadré, il a intégré l’École Boulle pour un diplôme des métiers d’art, option Tournage d’Art. Une fois son diplôme obtenu, il s’est orienté vers l’ENSCI, très curieux des expérimentations. Très tôt, Alexandre a su qu’il avait besoin de travailler avec ses mains et dans un atelier.
Des projets en cascade
Physic Circus est le premier projet d’Alexandre à l’ENSCI. Accompagné par Julien Bobroff, il a conçu un petit cirque composé de miniatures pour permettre aux scientifiques de parler de la physique quantique et de supraconductivité.
Son projet Tryptic dont l’objectif était de moderniser un savoir-faire grâce à des transferts de technologies lui a permis de remporter l’Audi Talents Awards en design. Il a créé des objets décalés comme Marble Sound System, une enceinte acoustique en marbre dont la caisse de résonance fabriquée par un marbrier renvoie le son sur une lentille dont le traitement dichroïque est élaboré par un laboratoire d’optique.
En tant que lauréat du trophée Audi, il a conçu le trophée de l’année suivante : un silex en fonte d’aluminium, symbolisant l’outil originel et faisant écho à la démarche d’accompagnement des Audi . Il crée également le trophée du Prix des Musiques à l’image : un objet hybride entre un pavillon de trompette et un objectif de caméra cylindrique, Alexandre a (re)appris de ce projet qu’il ne faut jamais perdre de vue la manière dont vont-être utilisés les objets créés.
Ce mélange des genres et d’innovation lui permet d’être repéré par des acteurs de l’industrie automobile. Intéressés par les dépôts dichroïques dans le cadre du prototypage d’une voiture, ils ont financé Alexandre pour qu’il les accompagne et travaille avec eux.
En collaborant en permanence avec des scientifiques, Alexandre finit par travailler dans le laboratoire de l’Institut Fresnel. Depuis un an, il collabore avec les scientifiques du laboratoire sur des objets leur permettant de parler de leur science et s’intégrant dans l’univers d’un laboratoire. Ils expérimentent sur des matériaux et utilisent les dépôts dichroïques pour créer des objets.
Inko, une housse d’Ipad intégrant un clavier dont le circuit imprimé est tatoué et un des trois projets de Tryptic lui permet de rencontrer les ingénieurs de la machine qui a servi à tatouer. C’est à la suite de cette rencontre qu’il va postuler et être finaliste au prix Émile Hermès avec Interactive Wallpaper. Le thème Jouer, lui a inspiré la création d’un papier peint imprimé avec de l’encre conductrice et sonorisé via un boîtier extérieur.
Le prix Émile Hermès est le dernier concours auquel il a participé mais pas le dernier à lui permettre de décrocher une nouvelle collaboration. Avec le Centre Pompidou cette fois. Alexandre s’est vu confier la conception de jeux et d’activités intégrant des innovations technologiques pour des ateliers avec des enfants. Il a entre autres créé des posters poilus et sonores dont les motifs ont été dessinés par Audrey Garel, une illustratrice. Les enfants peignaient sur des zones conductrices à l’encre noire et le poster était ensuite couvert de poils par une machine de flocage.
Pendant le confinement et toujours dans le cadre de sa collaboration avec le Centre Pompidou, Alexandre a créé douze vidéos d’animation en stop motion pour occuper les enfants. Cela lui a permis de sortir de la conception de produit et de prendre du plaisir à faire des vidéos mettant en scène des objets du quotidien.
Un atelier itinérant et roulant
De 2017 à 2020 il assure un projet de design industriel dans le pôle aviation de l’entreprise Daher à Tarbes et sa famille d’avion le TBM. En collaboration avec les équipes internes, il explore le design d’un avion dans sa globalité et se confronte à des enjeux techniques et business très forts. Cette expérience industrielle riche lui a permis de co-financer un Flying FabLab en partenariat avec ce client.
Pour que son atelier et ses machines ne soient jamais loin de lui, Alexandre a conçu Flying Fablab, un atelier roulant logé dans une tiny house. Cette maison en bois de 3,5 tonnes comporte 7 zones et 2 étages.
Actuellement, Alexandre est en résidence avec l’atelier Luma à Arles et développe plusieurs projets. La pluralité des sujets sur lesquels il travaille lui permet de ne pas être spécialiste dans un domaine et de constamment enrichir sa méthodologie. Dans son travail, le plus important pour lui est d’être sur le terrain et fabriquer des choses avec ses mains.
Cette année il débutera également une collaboration longue durée avec la fondation Rubis pour une mission basée à Madagascar. Il oriente cette mission sur la fabrication d’objets de premières nécessités fabriqués avec les ressources locales (principalement des déchets) grâce à des procédés hérités de ces expériences récentes.
Petits Déjeuners Design #5 Rose Dumesny
Rose Dumesny est designer et chercheuse. Son parcours est peu commun puisqu’elle a fait une thèse en Sciences de l’information et de la communication. À travers ses travaux de recherche, elle a utilisé le design comme une pratique de médiation.
Lorsqu’elle commence ses études, Rose n’a pas de connaissance en recherche. Après une formation en arts appliqués à Olivier de Serres, elle fait un master en stratégie du design. Au fil de ses études, elle a été vers le design d’interaction. En 2014, Rose entre en stage chez Orange dans un laboratoire de sciences humaines. Avec une autre designer, elle est chargée du développement du design numérique du laboratoire. Elle se questionne alors sur la manière dont le design peut accompagner des pratiques de recherche.
À la fin de ce stage, Rose commence son projet de thèse en design numérique. C’est un moyen de continuer à travailler avec une équipe qu’elle apprécie et surtout de découvrir un nouveau monde qu’elle ne connaît pas : la recherche. Elle a eu quelques difficultés à trouver un directeur de recherche en design car il y en a peu. Pour la plupart, ils ne sont pas designers mais ont étudié le design. Le design n’étant pas une discipline universitaire en France, il faut que les thèses en design soient inscrites au répertoire d’une université dans une autre discipline comme l’informatique, la sociologie, l’ergonomie ou encore les SIC. La thèse de Rose a été encadrée par Stéphane Vial (Philosophe des techniques) et Catherine Ramus (Ingénieure Designer chez Orange Labs). Il n’est pas rare que les doctorants en design choisissent une discipline de rattachement par défaut sans en connaître les codes et les attentes académiques . Pourtant lorsque la thèse est relue par les rapporteurs, elle doit être en cohérence avec ces attentes et avec les problématiques de cette discipline, ce qui peut rendre les choses périlleuses pour le doctorant. Rose avait décidé de faire une thèse en design et elle a été orientée vers les SIC par Stéphane Vial, son directeur de thèse. Elle ne connaissait pas cette discipline relativement jeune et la définit dans son cas comme une sociologie des systèmes et des techniques de l’information. C’est aussi le caractère numérique de ses recherches qui a orienté sa thèse qui s’intitule Médiation sensible : ouvrir la boîte noire du smartphone par le design vers les SIC. Pendant sa thèse, Rose découvre que les SIC et le design cohabitent très bien. Les deux disciplines se connaissent sans trop le savoir. Bien souvent, les chercheurs en SIC sont passionnés par le design et le design numérique, d’interaction correspond bien aux SIC. Les chercheurs sont très ouverts sur de nouvelles méthodologies et travaillent sur les objets techniques et les environnements numériques.
La question de l’objet et du numérique est un fil rouge dans le parcours de Rose. En DSAA, elle a effectué son projet de diplôme sur des objets à la frontière entre des objets de mobilier et le numérique. Avec deux camarades, elle a créé Clico, un jeu de construction en réalité augmentée qui permet de donner vie à l’objet construit par l’enfant grâce à une application mobile et une tablette.
Au début de sa thèse, elle a été marquée par cette phrase d’Anthony Masure, un enseignant-chercheur en design.
“Autrement dit, cette troisième strate « critique » pourrait avoir pour tâche de faire paraître l’époque, de lui « donner forme » de façon sensible, au-delà de tout discours.”
En tant que designer, il y a plein de moyens d’envisager sa pratique du design et Rose aime beaucoup l’idée de “donner forme pour faire paraître l’époque”. C’est ce qu’elle essaye de faire transparaître dans son travail.
Dans son travail de recherche, Rose pose trois cadres qui vont lui permettre de mener sa recherche : le cadre théorique, le cadre méthodologique et le l’objet d’étude. Le cadre théorique est celui de la définition d’une médiation sensible au numérique. . Pour le cadre méthodologique, elle décide d’utiliser le design ludique et les Cultural Probs (une technique utilisée pour mener des enquêtes et des entretiens en passant par des objets). Son objet d’étude a été l’utilisation des smartphones.
Rose s’est appuyée sur le concept de probs mis en place par Bill Gaver, qui a imaginé que l’on pouvait concevoir des objets pour des enquêtes. Ces objets conçus pour faire de la recherche permettraient de mener des enquêtes. La question était de savoir comment la médiation pourrait permettre d’ouvrir les boîtes noires que sont les smartphones. Rose est parti du constat que ce sont des objets que l’on utilise quotidiennement sans se demander ce qu’il y a à l’intérieur, alors que l’on confie toutes nos données aux GAFAM. Elle s’est demandé si ce n’était pas un problème de médiation, d’incompréhension de ce qu’il y a derrière.
Trois choses étaient importantes dans le projet : il fallait pouvoir manipuler les écosystèmes contenus dans les boîtes noires et ensuite créer une conversation avec les participants.
Deux dispositifs ont été utilisés pour résoudre les hypothèses : Datapics et BlackOut. Datapics permettait de mettre en forme et en matière les usages du téléphone et de créer un atelier d’expression où les participants racontaient la manière dont ils utilisent leur smartphone.
BlackOut est un ensemble de modules qui rendent visibles les capteurs du téléphone. Les résultats principaux étaient de chercher les effets d’une médiation sensible sur les participants. Deux effets ont été identifiés. L’atelier a permis aux participants de s’approprier la boîte noire technologique et de comprendre comment nous sommes liés à nos smartphones. Cette appropriation a aussi permis une meilleure compréhension. Les participants étaient capables de décomposer les choses et de les rendre plus lisibles.
Rose a utilisé la photographie, le dessin pour ne pas être uniquement chercheuse mais rester designer.
Selon Rose, “ on peut documenter de manière plastique et graphique un travail de recherche. Le design n’est pas qu’un passage brut entre la théorie et la pratique. Il y a quelque chose qui s’interconnecte et en tant que designer, on peut apporter quelque chose à la recherche qui ne soit pas que de la théorie mais va au-delà des mots.” Il est selon Rose aussi possible d’humaniser les technologies et les systèmes complexes.
À la fin de sa thèse, Rose n’a pas eu envie de faire une carrière universitaire. Une question demeure depuis : comment concilier la recherche et l’opérationnel ? Elle hésitait entre un retour au design ou à se consacrer pleinement à la recherche. Entre rester freelance ou intégrer une entreprise, il a fallu choisir. Lorsque l’on est en freelance, il est difficile de garder du temps pour la recherche qui passe souvent au second plan. En 2020, Rose a rejoint frog et elle travaille aujourd’hui sur la continuité entre le design et la recherche au laboratoire frog Lab. Avec une équipe de chercheurs et des designers, elle travaille sur des sujets différents mais qui ont en commun de se questionner sur le design. Dans ce laboratoire, Rose continue à faire de la recherche tout en étant sur des projets plus concrets et opérationnels.
Petits Déjeuners Design #4 Julien Benayoun
Julien a fondé il y a 12 ans le studio de design Bold, avec William Boujon. Les deux designers se sont rencontrés à l’ESAD de Reims, après des scolarités complémentaires (arts appliqués pour l’un, génie mécanique pour l’autre). Tous deux ont eu un parcours nourri par l’expérimentation, directement au contact de la matière et des matériaux, dans les ateliers de leur école. Comme de nombreux designers, ils ont d’abord utilisé l’impression 3D pour donner forme à l’objet sur lequel ils travaillaient, et réaliser une maquette de principe d’un objet voué à être coulé en porcelaine.
Julien et William ont ensuite commencé à travailler avec Dood Studio, un fabricant d’imprimante 3D. Initialement embauchés pour dessiner la prochaine génération d’imprimantes de la marque, ils sont rapidement devenus des bêta-testeurs de son utilisation. Ils ont commencé à jouer avec les paramètres de la machine, à concevoir leurs fichiers de modélisation différemment. Ils ont testé plusieurs positions de l’objet sur le plateau d’impression, et défié la gravité, pour révéler des qualités plastiques inattendues.
À l’époque, ils expérimentent librement, et constituent un carnet d’idées d’impressions 3D, listant aussi bien des paramètres à faire varier que des défis qui leur paraissent parfois absurdes : comment imprimer un poil ? Comment concevoir un fichier qui, lors de l’impression, retranscrira la souplesse de ce fameux poil ?
Même s’ils ne veulent pas être considérés comme des experts de l’impression 3D, parce qu’ils restent des designers généralistes, ils sont conscients que cette expertise qu’ils donnent à voir via les réseaux sociaux les rend très facilement identifiables, et leur apporte des collaborations riches.
Julien l’admet « Je me rends compte que parfois, j’ai créé pour Instagram. Dit comme ça, ça parait étrange, mais en réalité ça permet aussi de tester des choses : ça influence ou ça amplifie certaines pistes, notamment via les commentaires que les gens me laissent, via les collaborations qu’on nous propose. » Instagram aussi, finalement, stimule leur démarche d’expérimentation.
D’une certaine manière, c’est le réseau social qui les a emmenés du dépôt de fil plastique vers le dépôt de colombin en terre. Avec la collection POILU, ils sortent une série de vases en PLA (une résine plastique à base d’amidon pouvant être chargée de matières variées). Ils expérimentent autour de charges naturelles (bambou, bois clair, noix de coco). Avec la collection TUILE, ils choisissent des charges minérales, mais toujours avec le PLA comme liant. De cette dernière collection naît un quiproquo : à travers l’image publiée sur instagram, les gens s’imaginent des vases en céramique. Et de la fausse terre cuite à la vraie terre cuite, ils sont finalement invités au 8FabLab, un fablab qui imprime véritablement de la terre, une matière naturelle, qui se cuit et s’émaille.
À travers ces années d’expérimentations, Julien milite pour l’impression 3D et la réflexion autour de son usage : pour lui, on peut dépasser le prototypage rapide, et imaginer des formes dont la finalité est effectivement d’être imprimées. Mais pour cela, il faut repenser la manière de modéliser les objets en CAO. Il faut se poser la question du sens dans lequel l’objet va sortir de la machine (et ce n’est pas toujours à l’endroit). Il faut jouer des aspects de surface produits par la technique (et non plus s’évertuer à poncer). « Ce qui nous intéresse quand on dessine une pièce c’est qu’elle soit faite sur mesure pour l’outil. »
Ce qui est vécu comme une contrainte dans le cas d’un prototypage rapide, Julien et William en font un terrain de jeu. L’esthétique du dépôt de fil, parfois vue comme un défaut ou une limite, devient dans le travail de Bold un détail assumé – voire même une esthétique qui n’aurait pas pu être modélisée ou produite sur un autre outil de production. Il explorent dans leurs créations la balance entre le côté mathématique, numérique parfait, et le côté chaotique de la vraie vie, de la matière.
En basculant sur l’impression de terre, ils ont pu faire varier un paramètre de plus : celui du matériau. Quand ils travaillent avec le plastique ou le PLA, ils n’ont pas de marge de manœuvre sur le fil de dépôt : c’est un semi produit, vendu en bobine. Avec la terre, ils peuvent ouvrir leur champ d’expérimentation, en alimentant manuellement la machine avec leur propre mélange. En mêlant des terres de couleurs différentes, il révèle à l’impression moirages et ombrages.
Ce besoin de proximité avec la machine, sa compréhension fine, explique sans doute pourquoi Julien n’envisage pas d’expérimenter avec des machines qui ne sont pas accessibles sur son territoire : il veut pouvoir avoir la machine à côté et l’observer travailler. Il le dit lui même, « quand j’imprime une pièce je suis déjà en train de réfléchir aux 2 pièces que je vais faire ensuite en fonction de comment la machine se comporte à l’instant t. »
Julien aime les collaborations, et celles de 2021 seront placées sous le signe de la transition écologique. Le collectif Bold travaille actuellement à un projet à l’échelle du territoire, qui rassemblera des profils variés autour l’impression 3D de terre, pour en exploiter son potentiel.
Intéressés par le low tech, sans pour autant en être experts, ce projet sera pour Julien et William l’occasion de travailler avec d’autres expertises autour d’une forme de sobriété dans les usages, notamment autour des questions de l’eau, de l’énergie, du stockage et de la conservation, à travers des objets comme le frigo du désert, ou le climatiseur.
Quand on parle des « limites » de l’impression 3D à Julien, et notamment celles des dimensions possibles, c’est l’occasion d’aborder le travail de Ronald Rael (Emerging Objects) – un architecte qui imprime dans le désert, à l’échelle architecturale, avec la terre locale. Pour lui, ce n’est pas une question de moyens, mais plutôt une question d’accès et d’intérêt pour des sujets de ce type.
Chez Possible Future, ça nous fait penser aux problématiques des terres crues, notamment à l’échelle du Grand Paris, et on serait curieux de voir comment la démarche plastique de Julien et William pourrait nourrir la réflexion des industriels comme Saint Gobain sur ce sujet porteur d’avenir pour l’urbanisme !